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Photographies argentiques contre collées sur aluminium 50cm x 50cm 600E
Du
coté de Cambremer
Ces
photographies, parfaitement insolites, nous permettent de reconnaître
plus ou moins un village appelé Cambremer, avec ses magasins, ses
habitants, ses façades. Mais on perçoit en même temps un écart.
On sent que ce n'est pas ça, qu'il s'est passé quelque chose
d'étrange. Les photographies sont pourtant suspendues dans le lieu
même qu'elles représentent, près de telle façade dont elles
offrent l'image. Et justement, elles ne le représentent pas, n'en
sont pas vraiment l'image. Elles sont en décalage. Exactement comme
si l'artiste avait rêvé Cambremer, retrouvant quelques fragments de
façades ou de visages bien réels, mais redisposés, retravaillés
par le rêve qui recompose, nous plonge dans l'inquiétante
étrangeté, déréalise, de sorte que la mémoire des lieux les
associe à bien d'autres choses, à des sensations des événements,
des personnes différentes, qui s'y relient et s'en détachent pour
laisser parler l'imaginaire du rêveur, son histoire.
Il
est passionnant d'écouter Isabelle nous raconter comment elle a rêvé
de Cambremer, comme elle l'a photographié puis a constitué des
maquettes à partir de ses photographies, puis rephotographié ces
maquettes légèrement infidèles, retravaillées, recomposant un
lieu qui n'existe plus vraiment mais devient une image autonome.
Ensuite elle superpose, en palimpseste, les deux images et les
rephotographie, si j'ai bien compris. Le résultat est ce jeu entre
des plans qui n'ont pas la même consistance, l'un flou, l'autre net,
nous donnant l'impression d'un réalisme parfait qui se dissout dans
un arrière-plan inquiétant (ou l'inverse). Et le vide est souvent à
la fois devant et derrière, nous ramenant à une petite bande
intermédiaire, surface suspendue où tout se resserre et se passe :
mais quoi ? On erre un peu, d'avant en arrière, cherchant où aller,
à tâtons, revenant aux surfaces, à l'immanence. Nous perdons pied.
Nos repères ne nous servent plus à rien. Cela flotte. C'est dans
cet espace qu'Isabelle Maarek voyage et nous invite à nous risquer,
dans un mouvement un peu vertigineux, qui donne l'impression du
roulis à terre, comme d'une ivresse persistante, avec ce léger
malaise d'autant plus incompréhensible qu'on croyait justement avoir
les pieds sur terre.
C'est
une magnifique interrogation sur le réalisme et la représentation,
on pense aux villages de Flaubert, si étranges malgré la
description pointilleuse, si loin-si près, venus de l'imaginaire
d'un artiste.
Dominique
Chancé,
13 août 2002